Sortie Alpi – Arête ouest du Petit Rulhe – Samedi 21-09-19

Participants : Lorena, Jean-Marc

Encadrants : Jordi, Alexis

Photos : crédits Lorena, Jean-Marc, Jordi, Alexis.

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Comme bien souvent le jeudi soir précédent le projet de sorties du week end, survient au club l’oppressante et anxiogène question : est-ce que les conditions météos permettront la réalisation de la sortie, tant attendue, tant rêvée parfois ?

Ce jeudi soir dernier, l’ambiance n’était hélas guère à la fête au local rue de L’Orient. En cause, des précipitations sur les deux journées du week end avec un fort taux de probabilité. Partant, la quasi intégralité des sorties programmées s’annulèrent les unes après les autres, tel un couperet s’abattant sur le moral des cafistes qui s’étaient alors déplacés.

Assez désireux d’aller jouer une nouvelle fois du côté des cimes, et malgré les approches rationnelles les plus implacables, nous décidons de maintenir le projet d’une sortie.

Nous rencontrons deux cafistes courageux, Lorena et Jean-Marc, mus, peut-être plus que nous, par une envie incoercible de tenter l’aventure même si celle-ci pouvait connaître la pluie, le vent et subir un arrêt prématuré.

Feuille de sortie signée, nous décidons, après la nuit qui porte conseils, d’adapter le projet initial qui consistait à traverser les arêtes entre le Pic Crabioules et Lézat, course de rocher à plus de 3000 mètres d’altitude, bien connue et listée dans les cent plus belles courses des Pyrénées. Ce changement fut motivé en particulier par nos échanges téléphoniques avec le gardien du refuge du Portillon qui s’était montré tout à fait incrédule avec quelques mots simples mais sans équivoque « avec ce temps, faire Crabioules-Lézat ce serait tout simplement suicidaire »… Nous nous rangeons donc à l’avis de ce sage et feuilletons, toute de même inquiets quant à la possibilité d’un plan B, les pages de notre topo mental et braquons nos frontales vers l’arête ouest du Petit Rulhe. Course d’une difficulté équivalente, AD+, se déroulant vers 2500m mais présentant un double avantage non négligeable au regard de la situation du moment, celui d’une marche d’approche courte (1h30 contre 5h30) et d’une possibilité de réchapper à différents points de la course en cas de problème.

Voiture garée au Plat de Peyres, au bout d’une route rénovée, et sac à dos fins prêts à 7h50, nous foulons avec une légère anxiété les premières touffes d’herbe sèches des pentes en direction du refuge du Rulhe. Si à l’aplomb de nos têtes, quelques morceaux de ciels bleus jouent à cache-cache avec les nuages blancs matutinaux, la lumière au loin qui entoure les reliefs rocheux semble quant à elle bien sombre et préoccupante.

Les drapeaux colorés tibétains qui protègent le refuge virevoltent et tremblent soudainement sous un vent puissant et grandissant. Vestes remontées jusque au menton, nous évoluons à bon rythme dans le dédale des blocs de granit qui constituent la première partie de l’arête. Le premier gendarme s’évite en empruntant une vire littéralement battues par les rafales d’un vent intraitable. L’onglet vient pour certains au contact d’un rocher froid et d’une bise infernale. La corde tendue qui relie chaque membre de cordée forme des ventres improbables sous la poussée de ce vent fripon non étranger à un certain Brassens. L’attaque du premier ressaut pour la deuxième cordée coïncide avec l’arrivée d’une ondée facétieuse qui anéantira, pour les prochaines heures, toutes possibilités de poursuivre raisonnablement notre progression. La sécurité pouvant être mise à mal, la décision ne souffre aucune réserve et regagnons avec vigilance les pentes douces de la montée en évitant de glisser sur les rocs de granit qui barrent notre route.

Nous assistons, impuissants, résignés mais subjugués par le spectacle unique d’un ciel chargé de volutes obscures en mouvement permanents, puis bientôt étincelantes, avant que l’horizon se raye par magie d’un arc-en-ciel diaphane se perdant au loin dans les vallées aux couleurs déjà automnales. Plus loin, à nos pieds, nous attendent des parterres de myrtilles bleu-violacées abritées dans des plantes aux couleurs rouge-écarlate.

La journée ne peut se terminer de cette façon. Au pied d’un grand bloc, nous proposons des exercices techniques afin de préparer pour plus tard nos deux participants à leurs futures courses, ici ou ailleurs, sous un ciel plus clément. Confection de relais sur béquets ou via coinceurs, réalisation de relais triangulés, pose de friends, rappels, autant d’atouts précieux à avoir dans son jeu pour gagner en autonomie.

A la suite d’un déjeuner salutaire sur les terrasses ventées mais désormais ensoleillées du refuge, notre hôte vint nous saluer avec bienveillance et nous indiqua avec un doigt sûr quelques lignes subtiles que l’on pouvait deviner dans la face de ces cimes qui bordent le Lac de Joclar, pareilles à de nouvelles invitations à parcourir ces lieux sauvages. Nous empruntons le chemin du retour, en laissant notre regard glisser sur les pentes douces de cette vallée si loin du monde.

Nous faisons un arrêt rapide au café des Cabanes pour le traditionnel coup de l’amitié, assis autour d’une immense table en bois massif. Nous enchainons, afin de revenir encore plus heureux, avec l’achat de quelques produits fermiers locaux. Un rapide clin d’œil au dessus de nous lancé à l’immense muraille de Sinsat où certains d’entre nous usèrent la gomme de leurs chaussons entre buis et calcaire. Nous reprenons la route vers Toulouse assez fourbus.

Certes, pouvons-nous nous avouer quelque peu déçus de n’être pas avoir gravi « notre » sommet du jour. Toutefois, le fait d’avoir tenté l’aventure malgré les contrindications météo est une coquetterie espiègle qui a donné, à n’en pas douter, un souvenir concasse dont nous nous rappellerons longtemps.

Plus important encore, le sentiment de déception est très vite remplacé par celui d’une journée riches en échanges, en enseignements, et en rires, ce qui fait l’essence d’une belle journée en montagne où le plaisir et la sécurité doivent être les seuls premiers de cordée.