Comment en vient-on à se retrouver, un beau samedi après-midi, pendu sur un piton cravaté en plein milieu d'une falaise, les fesses un peu plus serrées qu'à l'accoutumée ?

Nous étions pourtant cinq personnes tout à fait raisonnables et au psychisme équilibré à nous pendre ainsi, de notre plein gré, avec, accrochée à notre derrière, toute une quincaillerie qui nous abaissait considérablement le centre de gravité.

Le sixième n'était autre que celui qui, par d'obscures mais efficaces subtilités verbales, avait réussi à nous convaincre de nous joindre à lui : en effet, nous étions venus faire de l'artif sous le haut patronage de Marc F., pour qui le maniement de l'étrier n'a plus de secret.

 

La journée de samedi commence de façon plus que morose et il va vraiment falloir s'employer pour s'élever un peu au-dessus du marasme. Mais l'escalade, même artificielle, même terriblement dérisoire et futile, nous parle aussi de cette liberté qu'il nous faut vivre et défendre à tout prix. Alors, malgré tout et surtout peut-être avant tout, nous avons dignement fait résonner nos rires pendant deux jours sur quelques bouts de cailloux fissurés.

 

Le week-end commence vraiment quand nous mettons les sacs sur le dos pour rejoindre les lieux de nos futurs exploits : des rochers situés en rive droite de la vallée qui mène à Aygues Cluses. Des sacs remplis de métal et d'un peu de sangles. Surtout de métal, en fait. Et de cordes aussi. Rien que des petites choses très légères. Nous atteignons donc avec une certaine satisfaction le site après une marche exténuante d'au moins 30 minutes. Avec ce qu'on a dans les sacs, on pourrait aisément s'attaquer à la face nord des Grandes Jorasses, mais là, ce ne sont pas 1200, mais 12 mètres qui nous dominent. On se dit que ça va être vite avalé cette petite plaisanterie... On fera moins les malins deux heures après, en rejoignant à peine le relais salvateur.

Notre maître nous explique tous les rouages de l'artif, on s'équipe et on se lance. Enfin, on se lance... on est très vite ralenti dès les premiers mètres où il faut déjà s'organiser pour ne pas revenir prématurément et douloureusement au sol. Poser un point. Le tester. Mettre son poids dessus. Mousquetonner, passer la corde, se vacher long. Monter sur les étriers. Se vacher court. Recommencer... une sorte de labeur grimpesque par lequel on oublie tous les soucis terrestres. Mais par lequel on ne s'élève pas bien vite, il faut l'avouer.

Tout y passe, coinceurs, friends, pitons, cravates et après quelques grands moments de solitude, la cime est atteinte. On a fait comme nos illustres et valeureux ancêtres, on a tapé avec des marteaux, on a vaincu la paroi, on a frôlé l'héroïsme... hum... on a surtout fait de l'huile et des blagues inavouables pour se détendre.

 

L'après-midi passe vite et c'est à la nuit tombante que l'on rejoint notre campement : le parking du pont de la Gaubie. Les héros sont fatigués et affrontent le froid de novembre autour d'un bon feu. Le repas est frugal, on sort bien quelques denrées et breuvages de nos sacs, mais la soirée, placée sous l'égide de notre grand maître, s'annonce avant tout culturelle et littéraire. Certains diraient austère, mais n'exagérons rien. On évoque Ramond et Russel, Jean Arlaud et l'élite pyrénéiste, on cite Rabelais. Enfin, notre éminent guide cite Rabelais, car, personnellement, je connais assez mal les auteurs du XVIème siècle : « Qui ne pète ni ne rote est voué à l'explosion. » Nous sentant un peu minables devant tant d'érudition nous allons modestement nous coucher alors que la nuit est déjà bien avancée, avant une nouvelle journée de grand alpinisme.

 

Dimanche matin, le groupe affiche une forme olympique, notre vénéré maître est prêt à en découdre avec du déversant !

La marche d'approche se fait à vide cette fois et c'est pleins d'enthousiasme que l'on retrouve d'autres fissures pour refaire la même chose que la veille : friends, pitons, étriers, blagues douteuses, noyaux d'olive, raie des fesses, marteau...

Un week-end très nice, que dis-je, nicissime. Merci, oh Marc, grand-gourou-du-crochet-fifi de nous avoir initiés à cette pratique que je ne qualifierai plus de barbare, et aussi de m'avoir fait découvrir qu'on peut avoir, un lundi matin, des courbatures après seulement 30 mètres d'escalade !

 

Ont participé à cette folle épopée :

  • LE patron : Marc

  • Ses assistants dévoués : Rémi et Dominique

  • Ses élèves reconnaissants voire soumis : Jean-Marc, Simon et Isa

 

PS : Après une rigoureuse vérification, qu'apprends-je ? Notre maître es-citation aurait confondu Rabelais avec Lao-Tseu... décidément, rien ne va plus...

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